Parfois, on ne naît pas autiste, on le devient à force d’isolement et d’intégration familiale ou sociale mise à mal. En fait, plus on est bien entouré, mieux on se sent intégré.
La présente rentrée marquera l’intégration préscolaire de 600 enfants autistes. Cette décision prise, ambitieusement et courageusement, par le ministère de tutelle est fondée sur le principe de l’égalité des chances de tous les enfants et de l’équité en matière d’accès à l’éducation préscolaire.
Un enfant sur trente est autiste
Des études ont montré, d’ailleurs, que les enfants n’ayant pas bénéficié des prestations des jardins d’enfants encourent énormément de difficultés scolaires. Certains finissent par être déscolarisés précocement, alors que d’autres continueront à donner un rendement des plus faibles. Que dire alors des enfants à besoins spécifiques et ceux souffrant d’un manque d’interaction avec leur environnement, comme c’est le cas pour les autistes ? Aussi, quelle importance revêt l’intégration préscolaire pour les enfants autistes en particulier ?
Il faut dire que le principal problème qu’endurent les autistes n’est autre que celui d’un manque d’interaction sociale. Selon le Dr Wahid Koubaâ, pédopsychiatre, la prévalence de l’autisme se situe actuellement à un enfant sur trente, alors qu’elle n’était que d’un enfant pour 2.500, et ce, des décennies auparavant. De ce fait, l’autisme représente un problème de santé qui mérite plus d’attention et de solutions. Certes, les cas d’autisme lourd sont peu fréquents, soit près de 5% des cas. Néanmoins, pour les enfants présentant un autisme léger, beaucoup d’efforts sont à déployer pour les aider à s’ouvrir à leur environnement social, surtout qu’ils ne demandent, parfois, qu’à être entourés d’enfants sains pour voler de leurs propres ailes.
Non à l’isolement !
En effet, pour les enfants prédisposés à l’autisme, tout se résume, généralement, à partir du treizième mois de naissance. «Durant la première année, le bébé est totalement pris en charge par sa maman, et ce, en raison de ses inombrables besoins. A chaque tétée, à chaque changement de couche, à chaque bain, il tisse une relation fusionnelle avec sa maman. Etant le centre d’intérêt de sa maman, il ne manque pratiquement de rien. Mais une fois sa première bougie soufflée, la maman se retire quelque peu de cette relation intrinsèque. Certaines recourent à la télé ou au téléphone portable pour distraire l’enfant et pouvoir ainsi effectuer les tâches ménagères. «Privé d’interactions suffisantes, voué à l’isolement, l’enfant risque ainsi de présenter des signes d’autisme », explique le Dr Koubaâ. C’est pour cette raison que le pédopsychiatre recommande l’intégration de tout enfant mais aussi — voire surtout — de l’enfant autiste dans un établissement d’éducation préscolaire. «La nature ne se corrige pas d’elle-même. Aussi, l’enfant ne doit-il pas rester seul après l’âge de douze mois. Plus il est entouré d’enfants, mieux c’est. D’ailleurs, même son entourage familial, y compris ses frères et sœurs — s’il en a — ne suffisent aucunement à instaurer cette intégration sociale dont il a besoin », renchérit le spécialiste.
«L’atelier de rien », un exemple à suivre !
L’impact du groupement d’enfants semble inégalé. Le spécialiste prend pour exemple une expérience qui a été effectuée à Genève au profit de la petite enfance. Il s’agit de « l’atelier de rien » : l’idée consiste à consacrer un espace vide, sécurisé et tapissé de moquette où des enfants sont placés pour deux ou trois heures, sans pour autant qu’il y ait ni jouets ni gadgets. «Cette expérience a prouvé l’importance de l’interaction sociale entre les enfants.
Ces derniers ont, en effet, évolué à un rythme sans précédent, aussi bien sur le plan psychomoteur, affectif, moteur, émotif, cognitif… Il serait plus qu’intéressant de reprendre cette expérience en Tunisie, en créant des espaces similaires au profit de la petite enfance», suggère le pédopsychiatre.
Une mission de taille
Pour ce qui est des autistes, l’intégration préscolaire semble nécessaire au développement de l’enfant. Elle l’est aussi tant sur le plan préventif que celui curatif. D’où le rôle ô combien précieux des animatrices des jardins d’enfants à faciliter cette intégration et à stimuler l’éveil social de l’enfant. «Généralement, lorsqu’il y a lieu d’insérer un enfant à besoins spécifiques dans un établissement préscolaire, il y a forcément la réduction du nombre d’enfants. Pour une animatrice, un enfant à besoins spécifiques nécessite autant d’attention et de patience que cinq enfants sains.
D’autant plus qu’elle doit toujours user du face-à-face pour attirer l’attention de l’enfant autiste, ce qui implique un surplus d’efforts. Il convient, par conséquent, de prendre en considération ce point afin de parfaire cette mission de taille», souligne Dr Koubaâ. Sans pour autant oublier d’inciter les parents à établir des programmes de sorties fréquentes en compagnie de leurs progénitures. Pour lui, l’espace familier fermé n’apporte pas autant de découvertes, de connaissances, d’interactions ou d’amusements que celui public.
Tant qu’il fait jour, conclut-il, il serait utile d’emmener les enfants dans les espaces verts, dans des lieux qui favorisent l’éveil à la vie.